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Mon index et mon
pouce forment à eux deux une sorte de bouche coupée
en son milieu par un stylo qui s'agite nerveusement. Mon tabac
à rouler vient de m'arriver par voie divine, je veux
dire par voie féminine. Il est là tout juste à
droite de ma feuille.
Tant pis je le laisse patienter
un moment, quand l'inspiration est là, aux portes de
l'écriture, nulle personne respectueuse de cette forme
d'expression ne penserait : " qu'elle attende ! Je prends
le temps de me rouler une cigarette". Alors, attendez mon
ami, mon cher tabac, je serai à vous dans quelques minutes,
juste le temps de décrire ce que fait cette bouche sur
ma main. Quoi!? Elle s'ouvre ! Va-t-elle enfin déchirer
l'univers malentendant et déverser des paroles ou des
mots par millions, par milliers, par centaines , par dizaines,
par unités ? Va-t-elle plagier un poème de Desnos
ou copier littéralement Obaldia . Ira-t-elle se percher
sur un arbre parmi les plus hautes branches et narguer Malraux
qui reste là comme un vautour, la tête rentrée
dans les épaules? Non ! ..
Tiens ! J'en étais
sûr, Madame s'ouvre, parceque Madame veut
poser le stylo qu'elle tient et parceque
Madame en a marre !
Et bien voyons quoi de plus naturel,
Madame prend le tabac qui dormait là juste à côté
sur la table et se roule une cigarette.
Quelle triste époque,
je n'ai plus rien à ajouter alors fumons en paix pour
le moins.
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